Exposition « Énigme Cousteau » Eléonore Saintagnan – Embrun

Énigme Cousteau Eléonore Saintagnan
Du 1 juillet au 29 août 2021 – Vernissage jeudi 1 juillet à 18 h
Jacques-Yves Cousteau aurait déclaré, en septembre 1971, suite à l’exploration du lac de Serre-Ponçon que “Si les gens savaient ce qu’il y a dans le lac, ils arrêteraient de s’y baigner.” Alors qu’André Laban, l’un de ses bras droits à l’époque, a vite démenti la présence ce jour-là du commandant à bord de la soucoupe SP 350 de la Calypso et l’observation de bêtes terrifiantes, l’avertissement semble toujours trouver quelques échos pour être relayé.
Que dit cette anecdote, devenue légende, de la construction de nos imaginaires, de nos croyances ? À quelle mécanique du récit participe-t-elle ? Pourquoi la fiction vient-elle parfois panser les plaies, les béances du réel, ce que l’on ne voit pas, ce que l’on ne voit plus ? En l’occurrence ici, l’engloutissement des communes d’Ubaye et de Savines suite à la création du barrage en 1959. L’ancienne vallée agricole traversée par la nerveuse et inconstante Durance abrite ainsi depuis, un lac majestueux, transformant radicalement le paysage. Un paysage spectacle d’une nature inventée.
La recherche qu’Éléonore Saintagnan mène avec ses films et installations est traversée par ces histoires, ces croyances qui viennent sonder les rapports de co-existence des humains avec tout ce qui les entoure ; la manière dont ils habitent le monde aussi et l’inventent sans cesse. Il y a les montagnes, les rivières, le vent, la terre, la mer, les pierres et tout ce qui est fabriqué. Avec le temps, les choses se mêlent au point qu’il est parfois difficile de distinguer ce qui était initialement là de ce qui ne l’était pas.
Le lac de Serre-Ponçon avec les montagnes pour décor ne fut pendant longtemps qu’une rumeur, une lubie de chercheurs et entrepreneurs à laquelle nombre d’habitants de la vallée ne voulaient croire. Ils n’auraient pas à quitter leur maison, leur ferme, leur usine, leur école. Le barrage ne se construirait jamais. Pourtant le vrombissement des tractopelles et le grondement des Euclids, ces impressionnants engins venus des États-Unis, ont fini par rendre cette histoire bien réelle. Le monde est ainsi un immense mille-feuille où les événements se superposent les uns aux autres. Chaque couche, effaçant en partie la précédente, s’expose à son tour à ne devenir qu’un souvenir aux traits incertains. Ubaye et Savines ont été englouties mais depuis le lac a généré des mythes dont la présence de poissons terrifiants hantant ses profondeurs. C’est toujours là que se nichent les monstres, dans les abysses et les forêts sombres, là où la nuit éveille l’imagination. Ils habitent nos peurs, nos mondes disparus. Peut-être, font-ils toujours moins peur que le vide laissé par les morts, la nuit, l’oubli ?
Centre d’art contemporain Les Capucins, Espace Delaroche, 05200 Embrun. Tél. : 04.92.44.30.87.
Ouvert du mercredi au dimanche de 16h à 19h