Alexandra Bellamy & Françoise Deverre « Réminiscences I et II » – Arles

Alexandra Bellamy & Françoise Deverre "Réminiscences I et II" - Arles

Alexandra Bellamy & Françoise Deverre « Réminiscences I et II »

Du 7 mai au 04 juin 2022 – Vernissage samedi 07 mai de 15h à 19h

L’exposition Réminiscences I et II réunit les portraits photographiques d’Alexandra Bellamy et les peintures abstraites de Françoise Deverre. Deux œuvres fortes, sensibles, inscrites dans l’histoire de la peinture et résolument contemporaines dans l’approche singulière qu’elles proposent, l’une des liens mère-enfant, l’autre de « la dimension chaotique » du monde.

Dans un rapport inversé à la traditionnelle représentation picturale de la mère et l’enfant depuis le Moyen-Age, c’est la mère que l’on « porte en soi » que les portraits d’Alexandra Bellamy questionnent à travers un protocole. La posture ou l’objet choisi par le modèle, bijou, foulard, vêtement, pour évoquer la mère deviennent la « concrétion » de la mémoire. La mise en scène sur un fond monochrome, éclairé d’une lumière douce, renvoie le sujet à son intériorité. Le regard se concentre, se retire, se perd. La légende qui accompagne ces portraits est percutante, dure ou drôle parfois, toujours émouvante.

Ces tableaux dont l’organisation convoque la présence de la mère et en remémore l’absence sont, pour le regardeur, un appel troublant à un retour vers soi, vers sa propre intimité.

« Diversités et constance – Ordre et désordre », c’est ainsi que Françoise Deverre définit sa peinture. L’artiste, après 30 années de pratique sur la base du polyptyque, inaugure en 2018 de nouvelles séries.  Les œuvres présentées dans l’exposition ont été réalisées ces quatre dernières années. Ce sont des toiles et des papiers pensés dans leur unicité. Toujours sans châssis, les œuvres font converger expressionnisme, abstrait, informel, formes géométriques. Elles questionnent la peinture tout en proposant une mise en parallèle d’un monde fait de pluralités, de contradictions, de différences.

DÉMARCHE DE LA SÉRIE « LA MÈRE DES AUTRES » Alexandra Bellamy

« C’est ainsi que dans l’air qui est bleu,
la soif est sans fond.
C’est ainsi que les enfants dans le bleu des draps
regardent dans la mémoire ».
Marina Tsévetaïeva

Des vierges à l’enfant du Moyen-âge aux peintures contemporaines du XXe siècle, les liens entre les mères et leurs enfants ont toujours fasciné les peintres. La psychanalyse s’est largement saisie du sujet et pour cause !
Qu’est-ce que l’adulte conserve en lui-même du « personnage » de la mère, du lien maternel dans ce qu’il contient d’ambivalence, d’allégeance, d’admiration, de colère, de culpabilité.

Anne Dufourmantelle écrit « Toute mère est sauvage. Sauvage en tant qu’elle fait serment, inconsciemment, de garder toujours en elle son enfant… C’est ce serment, que doit rompre l’enfant pour devenir lui-même, accéder à sa vérité, son désir. »

Ce jour-là, j’ai rendez-vous avec Erwan. Il porte une boucle d’oreille, ancienne. Deux semaines auparavant, sa mère est morte. Les mois passent. Je lui demande de poser avec cette boucle d’oreille et réalise un premier portrait.
Pour unique protocole je décide alors de demander, à des ami.e.s mais aussi à des voisins et à des inconnu.e.s, d’apporter un objet en lien avec leur mère ou qui évoque leur mère. Je leur pose une question unique : « pourquoi as-tu choisi cet objet ? ».
La boucle d’oreille, la fumée, les ongles rongés, la posture d’un corps, l’éventail, la bague, le foulard, le panier, etc. deviennent la « concrétion du souvenir » comme l’écrit Marcel Cohen. L’objet devient le « prétexte », le déclencheur d’une parole.

À côté de chaque portrait, je décide d’écrire une légende.
Ces photographies se font l’écho lointain des représentations dans la peinture de la renaissance du thème de la maternité. « L’enfant » porté par la mère : « la vierge à l’enfant », mais ici j’inverse le rapport. C’est la présence de la mère « en soi » que je questionne. Avant chaque prise de vue, devant chacun de mes modèles, je fais défiler des travaux du Caravage, d’Alice Neel, des portraits de Peter Hujar, de Seidou Keita, de Nan Goldin.
Je tends un fond de couleur uni, installe le clair-obscur. Leurs regards s’absentent.

Alexandra Bellamy

SINGULIEREMENT CONTEXTUEL Françoise Deverre 

Françoise Deverre est une artiste rare qui pratique une peinture exigeante. Elle gère la dimension chaotique du monde en la traduisant avec force, sensibilité et intelligence dans ses compositions abstraites. Auparavant, elle travaillait sous la forme de polyptyques, jouant avec les espaces de séparation des diverses parties de sa peinture.

Depuis quelque temps déjà, ces derniers se sont recomposés, en apparence, puisqu’ils se trouvent tous dans le même espace, mais séparés par une frontière mentale et irréfragable. L’unité apparente de l’œuvre conserve donc sa force contestatrice, s’inscrivant dans un processus dynamique de confrontation entre de calmes masses géométriques et des zones plus furieuses de tracés gestuels.

Si les grands formats mettent en lumière de façon évidente cette lutte plastique, les œuvres sur papier, plus petites, en rendent également compte, nécessitant simplement une attention plus soutenue pour la découvrir. Les couleurs entrent également dans cette danse visuelle, optant pour des rapports parfois complémentaires, parfois plus stridents.

Les noces du sombre et du lumineux créent parfois des juxtapositions hardies qui nous entraînent dans des labyrinthes mentaux. Bien que présents dans une frontalité affirmée, des accrocs visuels font parfois émerger une vision inattendue. Des sinuosités troubles se mettent en travers de croisements brutaux laissant émerger une construction qui finit par s’effondrer et se recomposer sans cesse. En réalité Françoise Deverre a toujours opté pour une peinture de l’intranquillité qui narre des aventures conceptuelles à partir de matériaux bien réels.

Christian Skimao, 2022

Le Corridor, Annick et Michel Rey, 3 rue de la Roquette 13200 Arles  Tél : 04 90 43 63 62 / 06 81 17 94 89

Du mercredi au samedi de 15h à 19h et sur rendez-vous

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